Pour Kurt Peleman, directeur général de l’EVPA, les expériences philanthropiques négatives sont des opportunités d’apprentissage.
C’est aussi un secteur qui connaît des ratés. La « venture philanthropy » ou l’investissement à impact social n’atteint pas toujours ses objectifs sociaux ou financiers. Les mauvais résultats sont toujours difficiles à vivre. Pourtant, ils témoignent d’un esprit d’expérimentation et d’une ambition.
Des ingrédients indispensables si l’on veut créer un cadre favorable à la résolution des problèmes les plus pressants de nos sociétés. Essuyer un échec est une chose, en parler publiquement une autre… Heureusement, il existe des exemples d’organisations courageuses qui ont fait le choix de la transparence. C’est le cas de trois fondations membres de la « European venture philanthropy association » (EVPA).
Porter un regard critique
Depuis 2008, la fondation Roi Baudouin en Belgique tente de comprendre pourquoi certains projets financés ont échoué et comment aborder les choses différemment à l’avenir. Leur rapport « Managing for learning and impact » porte un regard critique sur ces programmes et propose des pistes pour accroître l’impact social des fondations.
En 2010, la fondation Shell, au Royaume-Uni, a publié à son tour un rapport sur ses succès et ses échecs. Elle admet ouvertement que 80% des initiatives soutenues n’ont pas atteint les objectifs de croissance ou se sont avérées non viables.
Enfin, en 2014 la fondation néerlandaise C&A a publié son rapport « Frankly speaking » [pdf], qui décrit ses difficultés à améliorer les conditions de travail dans 18 usines de confection en Asie. Sa conclusion: travailler sans coopérer avec d’autres marques aboutit à des programmes trop coûteux et difficilement généralisables à d’autres usines.
Apprendre au travers des échecs
Inspirés entre autres par ces exemples, nous avons profité de notre dixième anniversaire pour contacter nos membres. Nous avons compilé les échecs les plus révélateurs de douze organisations dans notre publication « Learning from failures« .
PhiTrust Partenaires a par exemple financé une entreprise sociale avec d’autres investisseurs, dont l’impact social n’était pas l’objectif premier. Ces derniers n’ont pas souhaité la soutenir dans ses efforts de recherche et développement et l’entreprise sociale a dû, hélas, mettre la clé sous la porte.
La fondation irlandaise One comptait pour sa part sur le gouvernement pour reprendre le flambeau de leurs activités de soutien aux migrants. Un scénario qui s’est avéré irréaliste avec la crise. La fondation a donc dû considérablement réduire la voilure des programmes pour maintenir une aide aux migrants.
Une visée pédagogique
Du point de vue pédagogique, ces exemples permettent de retirer plusieurs enseignements. L’importance de se concentrer sur des objectifs précis mais aussi de rester flexible, le besoin d’éduquer l’entrepreneur social sur ce qu’il peut attendre d’un investisseur, la nécessité de piloter de près des activités à haut risque financier et social et enfin de s’engager en amont avec d’autres parties prenantes -comme le gouvernement- pouvant soutenir la croissance du projet.
Au-delà des retours sur expérience, ce rapport a aussi une valeur symbolique: il nous permet de nous éloigner de l’idée que notre secteur s’affirmera uniquement par ses réussites. Aujourd’hui, nous ne pouvons plus négliger nos échecs ou les garder en interne. Les enjeux sont devenus trop importants. Notre secteur s’est donné pour mission de résoudre certains problèmes de société complexes comme la pauvreté, le chômage ou le mal-logement.
Pour trouver des solutions, nous avons besoin de nouveaux modèles de financements et de soutiens. Pour y parvenir, il faudra prendre des risques et parfois essuyer des échecs. Mais les expériences positives ou négatives sont autant d’opportunités d’apprentissage pour nos pairs. C’est pour cette raison qu’aujourd’hui nous célébrons l’échec.