Un article de Jean Noël Escudié, publié sur le site Localtis info, le quotidien d’information en ligne des collectivités territoriales et de leurs partenaires
Le musée des Beaux-Arts de Rennes annonce avoir finalisé l’acquisition de « Saint Jude Thaddée », un tableau du grand portraitiste espagnol du Siècle d’or (le XVIIe) Jusepe de Ribera, le peintre des saints et des pauvres. Ce tableau rejoindra l’une des toiles maîtresses du musée : le « Nouveau Né » de Georges de La Tour. C’est la mise en place d’un mécénat de proximité qui a permis de finaliser cet achat.
Pour couvrir le prix de vente de 300.000 euros demandé par une galerie parisienne, l’Etat apportait 100.000 euros et le musée – autrement dit la ville de Rennes – 140.000 euros. Il restait donc 50 à 60.000 euros à trouver. Pour cela, la ville de Rennes a lancé une souscription publique, une première dans la capitale bretonne.
Chacun était invité à apporter sa contribution à un fonds de dotation créé pour la circonstance, même à partir d’un euro. Diverses récompenses étaient prévues pour encourager les mécènes : inscription des noms des donateurs sur un site internet lors de l’inauguration, invitations en avant-première, sans oublier le rappel de la déduction fiscale de 66% du montant du don… Lancée en septembre dernier, l’opération a parfaitement réussi, avec plus de 210 dons de particuliers allant de 10 à 1.000 euros, auxquels s’ajoutent des dons d’entreprises locales. Le musée réunira l’ensemble des mécènes le 21 février, pour une présentation de l’œuvre.
Attachement au territoire et fierté locale
L’opération de Rennes est très loin d’être un cas isolé. Attachement au territoire, goût pour le patrimoine et fierté locale font que le mécénat de proximité se développe rapidement. Ce type de démarche n’est d’ailleurs pas réservé aux grandes collectivités. Il y a quelques mois, le musée Gustave Courbet à Ornans – ville natale du peintre – réussissait ainsi à acquérir et à ramener en France « Le Chêne de Flagey » (une autre commune du Doubs). Le prix d’acquisition demandé par le propriétaire japonais de l’œuvre était de 4 millions d’euros, financés à hauteur de 2,7 millions d’euros grâce à une souscription publique et un appel au mécénat qui ont rassemblé 1.500 particuliers et plus de 40 entreprises, dont le fabricant local de jouets Smoby, qui a apporté un million d’euros (voir nos articles ci-contre du 31 juillet 2012 et du 12 mars 2013). Comme dans le cas de Rennes, l’Etat et les collectivités locales – dont le département du Doubs, propriétaire du musée – ont apporté le solde.
+23% pour les fonds recueillis par la fondation du Patrimoine
Il y a deux ans, le musée des Beaux-Arts de Lyon avait pu acquérir trois œuvres majeures grâce au mécénat : « L’Abreuvoir » et « Le Rocher » de Jean-Honoré Fragonard et – surtout – « L’Arétin et l’envoyé de Charles Quint » d’Ingres. Trois toiles qui ne sont pas étrangères au bond de 23% de la fréquentation en 2012. D’autres initiatives relèvent d’un niveau très local et souvent d’initiatives privées, comme la restauration de la chapelle des Eléphants à Chambéry ou celle de la chapelle Notre-Dame-la-Blanche sur l’île d’Hoëdic. Ces opérations locales coexistent avec les appels réguliers au mécénat lancé par de grandes institutions nationales, à l’image du Louvre qui vient de lever un million d’euros auprès de 6.700 donateurs pour restaurer La victoire de Samothrace.
A ne pas oublier : le mécénat des artistes et des galeristes. Le musée d’Art moderne et d’art contemporain (Mamac) de Nice vient ainsi de recevoir 80 œuvres d’un collectionneur privé danois, ainsi qu’une installation du plasticien belge Arne Quinze, offerte par un couple de galeristes. Toujours au Mamac, l’artiste américain Richard Longo, qui avait bénéficié en 2009 d’une rétrospective, vient d’offrir l’une de ses œuvres, estimée à 300.000 euros.
Dernier signe qui ne trompe pas sur cette montée en puissance du mécénat de proximité : en pleine crise économique, la Fondation du patrimoine annonce avoir collecté l’an dernier 12,3 millions d’euros auprès de particuliers, soit une progression de 23% par rapport à 2012. Sa campagne en faveur de la restauration de la Croix de Lorraine à Colombey-les-deux-églises – lancée en association avec la Fondation Charles de Gaulle – remporte également un grand succès, avec déjà 282.000 euros recueillis – souvent sous forme de très petites sommes – sur 360.000 attendus.
Jean-Noël Escudié / PCA